Art et Musique

Cérémonie du thé à la Villa Bagatelle

Le 16 mars 2019, le Consultat général du Japon organisait à la Villa Bagatelle une journée de démonstration sur la Cérémonie du thé. Maître TSUTSUMI, de l’école Urasenké, présidait à cette démonstration. Maître TSUTSUMI a pris le temps d’expliquer l’origine du thé et de la cérémonie du thé tout en laissant à ses assistants le soin d’oeuvrer.

La Cérémonie du thé, Chanoyu et Chadô …

En Occident, la cérémonie du thé est appelée en japonais chanoyu, mot qui se décompose en cha no yu et qui signifie littéralement « l’eau chaude du thé ».

L’art et l’étude de la cérémonie du thé sont appelés chadō ou sadō, ce qui se traduit par « la voie du thé ». Selon les principes du bouddhisme zen, c’est une des voies que l’on peut emprunter pour accéder à la sérénité absolue.

 Au XVIe siècle, Sen No Rikyû codifie la cérémonie du thé. A sa mort, ou plutôt à la mort de son fils naturel Sen Dôan, son héritage se divisera avec ses trois petits-fils en trois branches, les San-senke, 三千家. Ces trois écoles sont :

– l’Omotesenke (« Maison de Sen de devant »),

– la Mushakôjisenke (« Maison de Sen de la rue des samouraïs »),

– et l’Urasenke (« Maison de Sen de derrière »)

L’origine du thé

En Europe, le thé est une boisson infusée des feuilles de théier. Le théier est une variété arbustive du Camélia (le Camelia sinensis) originiaire de Chine.

Plusieurs mythes racontent l’origine du thé. L’une des plus connues est que Bodhidarma, le moine bouddhiste fondateur du bouddhisme zen, se coupa les paupières avoir cédé à la fatigue. Il les jeta à terre et là où les paupières tombèrent, un arbuste poussa. Boddhidarma découvrit ensuite que les feuilles avaient le pouvoir de le tenir éveillé pour poursuivre sa méditation.

Avant d’arriver au Japon, le thé était un élément important de la culture chinoise, à tel point qu’un ouvrage en trois volumes lui était consacré, le Chajing. Mais le thé souffrait de son mode de conservation. Il était pressé en briques. Il n’était pas seché comme il faut et donc ne se conservait pas. Ennuyeux pour un produit de cette importance. Au XI è siècle, les Chinois ont modifié le mode de préparation pour en améliorer la conservation.

Le thé arriva ensuite au Japon avec le Bouddhisme à partir du VI è siècle. Les moines ramenèrent ainsi le thé de leurs séjours en Chine. Les théiers étaient plantés dans les cours des monastères. Boire du thé rendait tonique les moines. Et le théier était considéré comme une plante médicinale.

Peu à peu, son usage se dissémina. Le thé ne fut bientôt plus réservé aux seuls moines, il fut servi aux visiteurs importants puis dans le reste de la sphère civile et militaire.

Cha no yu ou la cérémonie du thé vue par les Occidentaux

Le thé utilisé dans la cérémonie du thé est du thé vert réduit en poudre par broyage entre deux pierres. C’est le thé matcha d’un vert vif.

Quelques semaines avant la récolte, les fermiers préparent celle-ci en couvrant les arbustes par des nattes pour les protéger de la lumière du soleil. Cette préparation rend les feuilles plus petites et plus sombres. Elles sont très riches en chlorophylle et en acides aminés dont la théanine.

Chadô ou la voie du thé

Chadô est un apprentissage personnel de long terme. Dès l’école primaire, les élèves ont la possiblité de choisir Chadô dans leurs activités périscolaires. Jusqu’à la Restauration Meiji, Chadô était réservé aux hommes. Avec la Restauration Meiji, Chadô fut ouvert aux femmes. Aujourd’hui, si les Grands Maîtres sont principalement des hommes, les praticiens sont principalement des praticiennes.

Les gestes codifiés de Chadô furent établis par Sen no Rikyu mais il y a eu des évolutions dont la création du style Ryûrei pour recevoir les invités étrangers peu habitués à s’asseoir sur des tatamis…

Au final, un initié connaît les lettres, la culture du thé, l’art floral, la calligraphie mais aussi l’art de la fonderie …

En 1er lieu, quand nous entrons dans un pavillon de thé, nous sommes accueillis par une calligraphie et un ikebana. Les initiés découvrent le thème de l’invitation du jour en fonction de la calligraphie présentée.

« La montagne est montagne, l’eau est l’eau »

Avant toute chose, l’hôte purifie les instruments nécessaires à la cérémonie. Le natsume, le chashaku et le bol seront nettoyés en présence de l’invité. C’est une question de respect envers l’invité.

Le Chawan, le Chassaku et le Natsume

Bien souvent, le thé est stocké dans une petite boite appelée natsume. Le natsume est en bois laqué souvent décoré d’or.

le Hishaku

Après avoir purifié les instruments, l’hôte verse dans le bol à l’aide d’une louche en bambou, le hishaku ou 柄杓. L’hôte jette ensuite cette première eau puis séché à l’aide d’un tissu spécifique, le chakin. Le bol est ainsi doucement chauffé. Ensuite, à l’aide du chashaku, la cuillère en bambou portant un noeu en son centre, l’hôte verse du thé dans le bol. Il versera ensuite de nouveau de l’eau chaude. Le thé matcha n’est pas infusé mais battu à l’aide d’un fouet à thé, ou chasen.

L’hôte fait (idéalement) chauffer de l’eau pure sur un réchaud à charbon ou furo. L’eau ne doit pas bouillir. L’hôte connaît à l’oreille la température de l’eau.

Durant cette étape de préparation, la plus belle face du bol est présentée à l’invité. Lorsque l’invité reçoit le bol, et avant de boire, il va tourner en deux fois le bol et présenté cette face à l’hôte. Avant de boire, l’invité dégustera un okashi, un petit gâteau sucré pour adoucir l’amertume du thé. Il faut le manger au bon moment, de manière à ce que le sucre ne soit pas trop présent au moment de boire ou n’ai eu le temps de disparaître. Il faut trouver le moment juste …

Le thé sera bu en trois fois. L’invité essuiera doucement sa trace sur le rebord du bol, tournera celui-ci dans le sens inverse et restituera le bol à son hôte.

Certains initiés peuvent être presque qualifiés d’oenologues du thé. Ils connaissent si bien les terroirs de thé qu’ils peuvent définir d’où vient le thé qu’ils dégustent.

Les principes inspirés du bouddhisme zen de la cérémonie du thé

Quatre grands principes ont été décrits par Sen no Rikyû. Il s’agit de :

  • Wa, l’harmonie. C’est l’harmonie de la relation entre l’hôte et l’invité qui donne son sens à la cérémonie du thé.
  • Kei 敬, le respect. Durant le chanoyu, chacun doit comprendre et respecter les autres. Chaque participant à la cérémonie du thé se doit de traiter les personnes et les objets qui l’entourent avec le plus grand respect, ce qui lui permettra d’être lui aussi digne de respect.
  • Sei, la pureté. Ce principe est illustré par les purifications rituelles avant d’entrer dans le chashitsu, ainsi que par les différents rites de nettoyage des instruments de la cérémonie avant et après le service du thé. Mais au­delà d’une simple propreté physique, ces purifications rappellent qu’il faut un cœur pur, libéré de toute prétention, pour apprécier le chanoyu et, de manière plus générale, ce qui nous entoure.
  • Jaku, la tranquillité. C’est l’état de sérénité qui ne peut être atteint que quand les trois autres principes sont réalisés. Le chadō, la voie du thé, lorsqu’il est parcouru jusqu’au bout, permet de comprendre profondément le chanoyu et ce qu’il représente, et d’atteindre la tranquillité absolue.

Au final, Sen no Rikyū avait raison, « Le thé n’est rien d’autre que ceci : faire chauffer de l’eau, préparer le thé, et le boire convenablement. »